Je me nomme Yulia Asiadeh « Asa » Loughinine, je suis né(e) le 8 décembre 1988 à quelques kilomètres de Gorno-Altaïsk en Sibérie (République de l'Altaï). Je préfère les hommes et actuellement, je suis célibataire . Je travaille comme Infirmière. Mon personnage est représenté par Ginta Lapina et je désire faire partie du groupe I’m a criminal.

Il y a quelque chose de vicié chez elle, un air malsain qu’elle croit déceler en chacune des paroles de sa mère. Silencieuse, Yulia écoute distraitement les psaumes que son interlocutrice récite, répétant les incantations dans le mouvement machinal de ses lèvres. L’air absent, elle ne porte qu’un timide intérêt aux bondieuseries orthodoxes, trop absorbée qu’elle est par ce qui se passe dans l’autre pièce. Elle entend leurs rires goguenards et les supplications de son père. Des faibles bribes qui lui parviennent, elle n’a que peu de mal à imaginer ce dernier à genoux, négociant comme il peut sa vie sauve en échange du fruit de son labeur. La famille Loughirine n’a rien d’autre à offrir que du gibier, des patates, et quelques liasses de billets qu’ils réussissent parfois à mettre de côté. Un argent durement gagné que son paternel n’a aucun mal à céder : Pas par manque de dignité, mais parce qu’il n’est qu’un modeste braconnier ; Et qu’il est terrorisé.
Yulia n’entend plus les Aves de sa mère, focalisée sur les pleurnicheries de son père. Trente minutes que son calvaire dure, et la vodka bon marché a du mal à calmer les invités. Au bout de quelques minutes, le bruit des chaises qui grincent lui signifie néanmoins que l’entretiens touche à sa fin : Quelques grossièretés, un ricanement plein de velléité, des menaces lancé à la volé…Et s’en est terminé. A peine la porte est-elle claquée que sa mère laisse tomber sa bible pour se précipiter de l’autre côté. Il n’y a nulle empathie, nul réconfort ; Déjà, la vielle matrone hurle sur son bon à rien d’époux. Ce soir encore, la soupe aura des relents de frustration et un arrière-goût de déchéance.
Yulia elle, n’en veut pas à ce père trop faible pour se défendre. Mieux quiconque, elle partage avec lui le fardeau de leur existence.
Lentement, elle se penche à la fenêtre de sa chambre et l’envie fugace de s’y laisser tomber la traverse. Les rires et les sifflements des précédents assaillants la ramènent pourtant à la réalité : Ils sont là, tous les trois, hilares face à son image. L’un d’entre eux, le plus vieux, celui qui a le plus d’autorité, la regarde avec insistance et elle n’a aucun mal à déceler la lueur perverse qui traverse son regard. Son crane est vide et son esprit aussi profond que l’ennui qu’il lui inspire. Du haut de ses treize ans, la gamine ne peine pas à deviner ce à quoi il pense : Sous sa tignasse grisonnante, il se demande simplement si, sous ses nippes pré-adolescente, elle porte la dentelle rouge qu’il lui a offerte lors de sa précédente visite. Elle ne réagit pas à ses injonctions et sous-entendus graveleux, se contentant de refermer la fenêtre : Avec un peu de chance, cela laissera le temps au quadragénaire de se rappeler que sous ses multiples couches de vêtements, elle ne porte pas de sous-vêtement.

Lentement, elle se penche au-dessus du cadavre et contemple son œuvre, sa création. Un semblant d’amertume se dessine sur son visage, un zest de dégout aussi et une once de culpabilité à peine visible dans son regard d’acier. Le sang s’écoule sous ses Jimmy Choo contrefaites, et elle trouve qu’il y a quelque chose d’atrocement vulgaire, d’atrocement pathétique et de sincèrement triste à venir mourir ici. Elle aurait voulu viser le cœur, dans un semblant de respect et de dignité. Mais il faut viser la tête, toujours la tête.
«котенок»  qu’il l’appelle en souriant. Chaton, son petit surnom…Et elle qui rapplique comme un bon chien. Il tapote ses jambes et elle s’y installe ; un roquet ne serait pas plus réactif. Deux ans qu’elle est son animal de compagnie et aucune autre expression ne scierait autant à leur relation. Il est son maître et elle répond à chacun de ses désirs : Qu’il s’agisse d’ouvrir les cuisses ou de tuer un homme. Elle savait déjà se servir d’une arme à feux grâce à son père ; il lui a simplement suffi de lui apprendre tout le reste.
«Tu as fait du bon travail…»  Murmure-t-il tandis qu’il lui caresse les cheveux. Elle ne répond rien et pose sa tête sur son épaule tandis qu’un léger sourire apparait sur ses lèvres.  Ce n’est pas tant qu’elle réagit à se soudain élan d’affection…C’est surtout qu’en regardant le cadavre purulent, elle imagine son « protecteur » gisant dans la même mare de sang. Du haut de ses quinze ans, ses plus beaux rêves se composent de la cervelle du quadragénaire et de ses membres écorchés. Elle referme ses yeux tandis que les lèvres de l’homme se glissent dans son coup :
«Je t’offrirais un collier de diamants…» Elle préférait surtout qu’il paye les dettes de son père. La veille, ils ont coupé l’électricité chez elle...
Yulia soupire et passe ses bras autour de son coup. Tout ça, c’est pour sa famille. Tout ce qu’elle fait, c’est pour aider sa famille. Du moins, c’est ce qu’elle aimerait se dire…en vérité, il est plus probable qu’elle fasse tout ça par ennuie.
Il y a quelque chose de pourrie chez elle, elle le sait. Un démon qui l’a prise au corps et dont elle ne sait comment se débarrasser, «La semence du diable» seule explication logique ayant trouvé sa mère. Yulia n’essaye pas de la contredire et la laisse faire dans ses abnégations mystico-religieuse. Chez elle, elle se plie sans moufeter à ce qui ressemble à des séances d’exorcisme. Aves, pater et autres prières pour le salut de son âme. Yulia se prête à toutes ces oraisons dans une indifférence cuisante.

Son père ne tient pas en place. Il rit seul et tape dans ses mains, exultant d’un bonheur sincère, animé d’un feu que seule, une nouvelle comme celle qu’il vient d’entendre pouvait allumer. Yulia le regarde atterrée : Elle qui l’a toujours vu morne, la mine dépitée, n’aurait jamais soupçonné qu’il puisse manifester tant d’entrain.  Elle n’est même pas sûre que sa propre naissance, lui ait un jour apporté le tiers de la joie qu’il exprime. Elle n’a néanmoins pas besoin de demander pour comprendre ce qu’il ressent : Déjà, il voit la fin de ses soucis. Lui qui, malgré l’initiation de sa fille, peine toujours à payer le tribut, n’a que peu de mal à imaginer l’effacement de toutes ses dettes. Son bourreau a beau être un salaud de la pire espèce, il ne raquettera pas le grand-père de son enfant. Ils ont des valeurs en Sibérie, et la famille c’est important, même chez  les truands. Et maintenant que Yulia porte le rejeton du mafieux le plus terrible en république de l’Altaï, le vieux braconnier n’a que peu de mal à s’imaginer des jours meilleur.  Peut-être même, peut-il espérer marier sa fille à ce brigand de pacotille.  A peine y a-t-il pensé que déjà, il se met en tête d’organiser des noces à la façon tatare : Tout de bling-bling et de tintamarre.  Pour la mère, l’idée est tout bonnement effroyable ; Elle qui a su rester digne pendant tout ce temps, éclate subitement en sanglot. Elle se lamente et se demande ce qu’elle a pu faire au bon dieu pour mériter telle ignominie. Yulia aimerait lui dire que dieu, il a abandonné la Sibérie ; Il a quitté les rives du lac baikal, pour un endroit plus clément ; Les Bahamas surement. Mais de ses pensées blasphématoires, elle ne dit rien. Elle se contente d’essuyer les larmes de la vielle, en murmurant des paroles qui ne lui sont au final, d’aucun réconfort. Yulia ne sait en vérité, trop quoi dire : Elle n’a pas encore pris la mesure de ce qui se passe réellement. Pour elle, il n’y a rien d’extraordinaire à ce que des cellules se multiplient dans son ventre.  
« Tout va s’arranger… » Qu’elle lui glisse à l’oreille.

En vérité, elle n’a aucune idée de comment faire pour arranger les choses. Un cintre aurait pu être utile si son père n’avait pas tant ébruité l’affaire. Ce qui se passe dans son utérus est désormais l’affaire de toute la bourgade et l’identité du père n’est qu’un secret de polichinelle. Le géniteur, puisqu’on en parle, n’est d’ailleurs d’aucune aide. Vautré sur elle, il l’écrase de son poids tandis que l’adolescente essaye de ne pas trop réfléchir Depuis qu’elle a douze ans elle tend à ignorer ses coups de boutoirs. Mais ce soir, elle a trop à penser pour réussir à l’oublier. Fixant le plafond par-dessus son épaule, elle se demande comment la nature peut permettre à un être aussi laid de se reproduire. Et si au moins cette abomination avait pu se passer loin de ses propres organes génitaux…Elle sent ses lèvres dans son coup et l’envie de vomir lui tord l’estomac. On lui a déjà parlé des nausées matinales, mais elle n’est pas trop sûre qu’il s’agisse de ça. Lentement, les larmes glissent sur son visage et sans qu’elle ne s’y attende, un premier hoquet franchit ses lèvres. Il en est le premier choqué : Jamais de sa vie, il ne la vue pleurer ; Jamais d’ailleurs, elle ne l’a fait devant qui que ce soit. Qu’elle le fasse devant lui est d’ailleurs, la pire des humiliations possible.

U.C